Est-ce qu’être “identitaire” c’est être d’ »extrême-droite » ?
En tant qu’Israélien né en France, et binational, je n’ai pas pu voter pour Zemmour, parce qu’il faut un minimum de logique dans la vie. Tout mon effort privé et public a consisté et consiste à convaincre le plus grand nombre possible de Juifs de l’Exil, en plus de moi-même et de ma famille, à faire retour à la Terre d’Israël.
Oui, dans les catégories de la pensée juive, depuis la destruction du Royaume de Judée par Rome et la grande dispersion, la Diaspora, les Juifs ont vécu en Exil pendant 1900 ans.
Le rétablissement de la souveraineté juive au Pays d’Israël, il a 74 ans, a changé le sens de l’Histoire juive. Les stratégies de survie qui consistaient notamment à être « judéo-quelqu’un d’autre » selon l’expression familière du Rav Askenazi זצ »ל (Manitou), sont dépassées. Remarquons pourtant que les Juifs en exil se sont toujours vécus comme une minorité et se sont pliés aux habitudes des contrées où ils demeuraient, en acquérant très profondément l’esprit et la langue du lieu, sans prétention à imposer leurs vues à leur entourage.
Désormais, les Juifs peuvent redevenir Hébreux dans leur Patrie historique et une bonne moitié d’entre eux l’ont fait ou le font. D’autres le feront encore. C’est cela être Israélien et c’est un devoir de conscience et de foi, comme en témoignent tous nos textes fondateurs et les écrits de nos sages à travers les âges. Le statut d’ »Israélite français », résultat de l’assimilationisme napoléonien, par exemple, n’est qu’un succédané de l’identité juive authentique qui tend vers le Retour à l’Hébraïsme.
Or M. Eric Zemmour est un Juif qui s’affirme comme tel et pourtant, il a choisi de devenir un passionné de l’assimilation à l’identité française. La fidélité à leur très ancienne patrie que ses ancêtres lui ont transmise, il l’a transférée avec la même force sur la Patrie France. Il n’est pas le seul et il n’est pas le premier.
Du point de vue du Peuple Juif, ce processus est le contraire de notre espérance : c’est un non- sens. Cependant, bien sûr, il est libre de ses choix.
Si maintenant l’on considère le point de vue de l’intérêt réel de la France, en un temps où l’identité française est menacée tant par le postmodernisme, le Wokisme, l’Européanisme, le mondialisme et la montée de l’Islam en Occident, le contenu des analyses de M. Zemmour ne manque pas de pertinence.
La division de l’humanité en nations n’est pas en soi la source du malheur, elle est légitime.
Certes, le nationalisme outrancier a été la toile de fond, durant les deux guerres mondiales, de drames et de massacres épouvantables. Il faut cependant distinguer entre l’adhésion naturelle de l’individu à une personnalité collective, linguistique, géographique et historique et les délires ultra-nationalistes qui engendrent d’imbéciles prétentions à la supériorité nationale, « raciale » ou religieuse.
Les efforts des Gouvernements d’établir un véritable « concert des Nations » depuis 1918, même s’ils n’ont pas tenu toutes leurs promesses, figurent ce que pourrait devenir une Humanité apaisée, chaque nation vivant en bonne intelligence avec les autres, alors que chacune se sent tenue de respecter certaines règles communes. Nier le besoin de l’homme de voir respecter sa personnalité individuelle et sa personnalité collective, nationale, est à la fois vain et dangereux.
Le récit biblique lui-même met en garde contre les tentatives de créer artificiellement une humanité indifférenciée, « mondialiste », en quelque sorte. Or, dans l’Europe contemporaine et y compris en France, un grand nombre de facteurs viennent brouiller les cartes et obscurcir le paysage.
La construction européenne, inspirée, à l’origine, par la volonté d’empêcher un nouvel affrontement franco-allemand, est devenue la bouteille à l’encre d’un ensemble de 27 pays, de plus en plus dirigés par des fonctionnaires non élus animés d’idéologies mondialistes et fort peu démocratiques, ou se dilue la volonté et la personnalité des Peuples des Etats adhérents, piégés par des règles de plus en plus contraignantes, sur lesquelles ils n’ont aucune influence.
L’urgence écologique d’autre part, dont bien des aspects sont discutables, sert de paravent à l’aspiration de certains à la mise en place d’un Gouvernement mondial soi-disant plus qualifié pour « sauver la planète » mais surtout éliminer le concept de souveraineté nationale.
Le postmodernisme et son avatar, le wokisme, tentent de nous convaincre que la vérité historique n’existe pas, que tout serait dans le « narratif », la manière d’appréhender le réel telle que raconté, même faussement, par les différents groupes humains. Autant dire que dans ce schéma, la morale n’a pas lieu d’être puisque tout se vaut. Le concept de Nation, dans ces conditions, serait simplement nuisible.
Enfin, l’arrivée massive en Europe et singulièrement en France, depuis une quarantaine d’années, de plusieurs millions de Musulmans dont beaucoup sont non désireux d’adopter ni les us et coutumes ni parfois même la langue ou les lois de la population hôte, a produit un bouleversement considérable, créant des myriades de « zones sans droit » qui remettent en cause les principes de sûreté et sécurité du territoire déjà établis en France longtemps avant la Révolution.
Le programme de M. Zemmour n’a rien d’outrancier. Il commence par constater les faits que l’idéologie du « vivre ensemble » et du « pas d’amalgame » d’une classe dirigeante volontairement aveugle et sourde fait semblant d’ignorer au moyen d’un travestissement du langage suicidaire.
Mettre un nom sur son mal est difficile. Vous désigner comme « extrémiste de droite » pour cela, est pure calomnie. Le score modeste d’Eric Zemmour de 7% des votants, ne constitue pas la preuve que le problème identitaire des Français face aux différents problèmes énoncés, ne soit pas une question majeure comme certains voudraient le faire croire.
J’aurais tendance à considérer que c’est plutôt l’ambiguïté de sa position de Juif défendant la Nation française qui a masqué cette fois la gravité de la question identitaire dans la France d’aujourd’hui.
Léon ROZENBAUM
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