La France, l’Europe, les Arabes et Nous (Texte Ecrit en 2003)

La civilisation hébraïque constitue un projet de 3500 ans d’âge qui touche aux fins dernières de l’Humanité. En vue de faire franchir au genre humain un pas décisif qui consiste à se connaître comme créature avec toutes les conséquences qui en découlent, le Peuple Hébreu a accepté de se donner pour constitution la morale elle-même. Pour la première fois, une collectivité humaine, une des Nations de l’humanité qui toutefois présente cette particularité de porter en elle la trace de l’humanité primitive avant sa dispersion, son éclatement en 70 Nations, s’édifiait sur autre chose qu’un projet de puissance.
En tant que Juifs, héritiers de la sagesse des Hébreux, nous avons toujours su que l’Histoire n’était pas le résultat d’un enchaînement mécanique de forces sociales et économiques mais bien plutôt un dévoilement de valeurs dans chaque société humaine considérée. Le long exil du peuple d’Israël a créé une manière d’être homme particulière, l’identité juive, c’est-à-dire la conservation et la fidélité à l’identité hébraïque mais annexée, greffée sur celle de toutes les Nations avec lesquelles nous avons cohabité. L’une de nos tentations les plus classiques pendant 1900 ans d’éloignement de notre patrie, fut d’aimer les peuples et les terres qui nous accueillaient, de les aider à s’épanouir et de croire parfois que leur vocation historique avait même supplanté celle du peuple d’Israël. Souvent, les nations avec lesquelles la symbiose avait été la plus féconde et la plus brillante sont devenues le théâtre de catastrophes morales dont nous avons généralement été les premières victimes, au point de risquer d’y disparaître définitivement. L’Espagne et l’Allemagne, Sefarad et Ashkenaz en Hébreu, dont nous nous affublons encore des noms par habitude de fidélité, furent tour à tour les paradigmes de ces expériences dramatiques.

Tout se passe comme si l’Europe actuelle, mais surtout l’Europe francophone était entrée brutalement dans une de ces phases paroxystiques de rejet des Juifs après une période de symbiose fusionnelle -presque- réussie. Si nous nous fions au modèle historique et si nous sommes fidèles à nous mêmes en tant que peuple de la mémoire, nous ne pouvons pas ignorer les dangers très réels d’une telle situation, pour nous d’abord, pour les peuples concernés ensuite.

Toutefois, le rétablissement de notre souveraineté, il y a un peu plus d’un demi-siècle, dans notre patrie historique, est de nature a conjurer largement ces dangers à condition de prendre à temps certaines mesures concrètes.

 Tour à tour, Babylone, la Perse, la Grèce et Rome  ont été à l’échelle des civilisations, les concurrents et les dominateurs temporels d’Israël. Le dernier exil, celui de Rome-Occident, est en train de s’achever. Si l’on prend la sagesse hébraïque au sérieux, c’est-à-dire si l’on fait sauter le carcan des concepts occidentaux et de la “modernité” qui ont colonisé nos cerveaux, on peut comprendre que les archétypes de civilisations rencontrés par Israël au long de son Histoire, continuent de jouer un rôle essentiel dans l’actualité la plus immédiate.

Les Israéliens francophones, baignés de culture française,  sont des Juifs qui ont  choisi de redevenir des Hébreux au Pays d’Israël. Ils n’ignorent pas la valeur exceptionnelle du visage particulier de l’Universel Humain que représentent la langue et la culture françaises. D’autre part leur intimité même à cette culture leur permet d’appréhender ses faillites morales et politiques avec une acuité particulière. Le spectacle de la France menant une politique pro-arabe mercantile depuis trente ans au moins, l’adulation d’Arafat, les complicités avec le terrorisme, l’impuissance à endiguer la montée d’un islamisme agressif et négateur de tous les droits humains conquis de haute lutte depuis la Révolution, sur son territoire même, la perversion de la presse, l’acharnement anti-israélien, les  53 zones “sans droit” où la souveraineté de l’Etat français ne s’exerce plus dans l’hexagone,  rien de tout cela n’a échappé à l’observation des Israéliens francophones. Loin de s’en réjouir, ils assistent médusés à l’une des conséquences logiques de cet affaissement, la montée d’une judéophobie sournoise et de plus en plus violente. Or, précisément parce qu’ils sont conscients du poids intellectuel de la culture française, ils savent que les perversions récentes de cette dernière, pèsent de tout leur poids sur l’ensemble de la francophonie, la Belgique, la Suisse, le Canada et certaines Nations africaines. Bien plus, une grande partie de l’Europe et certains secteurs d’opinion aux Etats-Unis sont très perméables au prestige de “l’intelligentsia” française, même quand celle-ci a complètement déraillé.

Après les attentats du 11 septembre 2001 à New-York et à Washington, il est apparu clairement que l’islamisme ne menaçait pas seulement l’Etat d’Israël, mais le monde entier. Les dirigeants du plus puissant Etat de la terre, ont compris que si un coup d’arrêt n’était pas rapidement donné au projet arabo-musulman d’étendre le Dar El Islam (la maison de l’islam) aux limites du globe, il serait bientôt trop tard. Or, on constate que les dirigeants français, soutenus par l’essentiel de leur presse et  de leurs intellectuels, loin de prendre la mesure des enjeux, se réfugient dans une politique munichoise, hautaine, agressive et suicidaire.

Les conséquences prévisibles de cette évolution sont des risques accrus pour la population juive en France. Bien sûr, il se trouvera toujours en milieu juif, des transfuges idéologiques, des dirigeants autoproclamés, des fossiles du régime napoléonien, de prétendus rabbins exiliques congénitaux, de pseudo-israéliens repentis professionnels, pour affirmer le contraire. L’aliénation, surtout quand elle justifie la paresse intellectuelle et procure des avantages matériels, réels ou supposés, a toujours fait de grands dégâts dans nos rangs.

Mais ceux qui ont un minimum d’honnêteté intellectuelle, et il s’agit de l’immense majorité des Juifs du monde francophone, ont parfaitement saisi que le temps presse. Il faut liquider l’exil de ces pays, il faut décrocher, il faut revenir au Pays d’Israël. Les Israéliens francophones s’organisent de plus en plus sérieusement pour que l’accueil soit le moins traumatique possible, sans ignorer que l’Etat d’Israël ne pourra pas tout faire, ayant aussi d’autres problèmes à régler. Ils savent par leur expérience personnelle que rien ne recule toutefois devant la volonté trempée dans la compréhension historique de l’irremplaçable valeur de la Alyah, la montée au Pays, dans le Rassemblement des Exils depuis longtemps prévu par les Prophètes d’Israël. 

Leon Rozenbaum

 

 

 

 

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