Les Hébreux, les Juifs et les Peuples
Ce qui est frappant avec le Peuple Juif, c’est que chaque communauté, chaque groupe, chaque exil, chaque catégorie de population en Israël, et presque chaque individu, se trouve à un degré différent de conscience juive et de définition de son appartenance.
Bien entendu, et pour compliquer un peu plus, chacun suit sa propre évolution au long de son histoire individuelle, et les degrés de conscience peuvent changer dans chaque sens.
Il y a pourtant des critères absolus pour déterminer ce qui relève de la conscience hébraïque et ce qui lui est étranger.

Pour Israël, le monde et l’Homme ne sont pas le résultat du hasard ni de la nécessité mais l’œuvre du Créateur du ciel et de la terre.
Le Judaïsme enseigne que délibérément, D. s’est « retiré » du monde, le temps de son Chabbat, pour permettre à l’Homme d’accomplir la tâche historique de faire advenir un monde de moralité, seule voie possible pour le promouvoir en demeure commune de la Présence Divine et de l’Homme. Le Chabbat de D. peut toutefois comme le nôtre, être interrompu en cas de danger extrême.
Après bien des échecs que la Bible des Hébreux raconte, Israël se trouve investi d’un rôle particulier de modèle, passionnant mais éprouvant et parfois dramatique, pour indiquer à l’Humanité le chemin vers cet accomplissement.
La morale juive ne résulte pas des pensées d’un législateur humain génial, comme le Solon Grec, mais d’une communication inspirée et essentielle, venue d’en haut, au Sinaï, rapportée et attestée par la mémoire des hommes. Sur ces principes et selon des règles strictes, nos sages ont amplifié ce message et développé les voies d’une manière humaine de vivre et de progresser, une morale authentique.
Pour assumer sa vocation, Israël a reçu en héritage le Pays d’Israël où il a construit sa civilisation pendant un millénaire et 250 ans. Sa particularité est de ne s’être pas bâti sur un projet de puissance. Après un très long exil, émaillé de drames et de rares embellies, durant lequel les Hébreux sont devenus les Juifs, indexés aux peuples auprès desquels ils avaient trouvé refuge. Le Peuple d’Israël reconstitué par le Sionisme, est parvenu à rétablir sa souveraineté dans son pays, il y a seulement 77 ans. Là, comme l’a indiqué le Rav Askenazi (Manitou), il redevient Hébreu selon un processus souvent douloureux et contradictoire.
Les peuples étrangers, les civilisations que parfois ils engendrent, n’échappent pas, eux, à la tentation impériale. Israël a croisé sur sa route historique tous ces empires et grâce à une tradition historiosophique, peut reconnaitre leurs caractéristiques et leurs ambitions jusqu’à nos jours, et en tirer des conséquences sur leur comportement face à nous.
Cependant, dans le maelstrom d’idées, de références, d’origines, d’exils et de cultures rassemblés au sein du Peuple Juif et dans l’Israël contemporain, en présence de la pluralité des degrés et des définitions d’appartenance, se font jour aussi des engouements tragiques pour des cultures étrangères et des reniements troubles de l’identité hébraïque.
Le culte tendancieux du droit et des juges et spécialement de la Cour placée au sommet de la hiérarchie des tribunaux du Pays, au détriment du système démocratique monocaméral, la Knesset, adopté dès le rétablissement de la souveraineté d’Israël, est l’un d’entre eux.
Soudain, la souveraineté du Peuple qui réside à Sion et qui s’exprime dans toute démocratie par ses élus, et le rôle du Chef du Gouvernement légalement désigné pour diriger la politique de la Nation, sont battus en brèche, sans honte, par un petit nombre de magistrats inamovibles, qui se désignent entre eux sans aucun contrôle.
Or, leur système de valeurs est largement inspiré des dernières tendances de l’Occident qui, depuis le 7 octobre a massivement plongé de nouveau dans un antisémitisme virulent au profit du Hamas, ce qui nous autorise à le juger décadent.
En outre, bien de forces occidentales interviennent de plus en plus grossièrement dans nos affaires intérieures.
C’est au moment même où Israël est attaqué sur sept fronts après une agression d’une sauvagerie inouïe, que s’exprime avec une brutalité sans précédent une tentative de remettre en cause la souveraineté démocratique d’un peuple, le nôtre, massivement attaché à sa Tradition.
Derrière le combat de politique politicienne pour faire tomber Netanyahou, se cache en réalité un affrontement principiel autrement plus grave.
Historiquement pour que réémerge à la fin du 19ème siècle, le mouvement national juif, le Sionisme, il a été nécessaire que naisse, face à une majorité de dirigeants religieux qui, à l’époque, s’y opposaient, un mouvement laïque, en rupture de ban avec la pratique religieuse, telle qu’ils la concevaient.
L’enseignement du Rav Kook, nous a appris que ces premiers sionistes faisaient en réalité preuve d’une foi juive extraordinaire et qu’ils avaient su saisir la carte historique pour le rétablissement de la souveraineté du Peuple Juif et sa renaissance nationale.
Malheureusement, la conséquence ultime de cet éloignement des valeurs juives, 4 ou 5 générations plus tard, est l’oubli et l’ignorance, par certains, du contenu même de l’être juif qu’ils prétendent incarner. Que des Juifs aient pu, le Jour de Kippour 2023, attaquer physiquement, des prières d’autres Juifs, organisées dans l’espace public constitue un cas limite. L’ennemi en a d’ailleurs immédiatement tiré parti.
Une autre conséquence de cet éloignement est, à propos des otages du 7 octobre encore dans les geôles de Gaza, l’incompréhension de la cruauté nazie rééditée par le Hamas.
De même que les « Judenrats» mis en place par les nazis dans les divers Ghettos pouvaient croire un instant qu’en livrant 1000 Juifs, ils en sauvaient 10,000 ou 100,000, en fait la volonté d’annihilation des Juifs était telle, que personne ne survivrait, tout n’était que ruse sadique.
De même, il est plus que vraisemblable que le Hamas qui ne cède en rien dans la cruauté aux émules d’Hitler, si nous cédions désormais à son chantage et, liés par un accord international nous le laissions survivre comme force armée et politique, pour tenter de cette façon de récupérer nos otages, nous déchaînerions un enthousiasme criminel antijuif de la quasi-totalité du monde musulman, largement soutenu en Occident créant les conditions de nouveaux massacres massifs de Juifs.
Dans la douleur et les larmes, nous devons faire face résolument aux réalités de l’ignominie de nos ennemis. Incriminer notre Gouvernement élu au lieu de s’en prendre au Hamas dans nombre d’interventions publiques, de la part des familles des personnes enlevées et de ceux qui exploitent leur douleur, est pire qu’infantile.
L’on est en droit d’espérer que le sens de l’Etat et l’amour d’Israël vont enrayer les tentations suicidaires de ceux qui s’alignent sur des valeurs et des concepts venus d’ailleurs, mortels pour nous.
Léon Rozenbaum
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