Une concurrence morale

Pour Israël, la situation de l’Occident sur le plan moral semble bien s’aggraver de semaine en semaine. L’attaque du 7 octobre 2023 et les centaines de victimes israéliennes hommes, femmes, enfants, vieillards, et la hargne particulière avec laquelle les terroristes du Hamas se sont acharnés sur les corps des victimes, ceux-ci souvent encore vivants, a mis en lumière une cruauté et une volonté génocidaire que l’on avait crues surmontées après le massacre sélectif de masse des Juifs d’Europe en 1945.
En effet, L’Occident tout entier semblait avoir progressivement pris la mesure de la catastrophe morale à l’échelle de l’Humanité, qu’avait constitué ce massacre. S’était même développée une manière d’amende honorable de la part de la civilisation européenne qui avait été qualifiée de façon particulière sous le nom de « mémoire de la Shoah », une sorte de serment à peine formulé mais très prégnant, qui semblait dire : « Plus jamais cela ».

Les Juifs Israéliens qui jouissent depuis 1948 de la souveraineté recouvrée au Pays d’Israël, conquise de haute lutte, après la tentative d’agression des armées arabes coalisées, renouvelée régulièrement tous les dix ans, puis tous les cinq ans, puis en permanence, comme d’ailleurs les Juifs de Diaspora, pouvaient croire légitimement que la volonté de les exterminer, en tout cas en Occident, n’était plus crédible, n’avait plus de place.

Le 7 octobre 2023 et surtout l’hystérie de la presque totalité de la civilisation occidentale face aux mesures de sauvegarde minimales et prudentes prises par Israël contre le Hamas, ont persuadé l’immense majorité du Peuple Juif qu’il n’en est rien.

Bien au contraire, il s’avère que cette idée monstrueuse de la liquidation des Juifs, a gagné du terrain dans le monde entier. Bien plus, elle se cache désormais sous des oripeaux de « défense de la morale », les Juifs étant affublés, sans complexe, de toutes les perversions possibles comme aux pires époques.

Tout se passe comme si l’Occident emboitant le pas de la civilisation islamique, dans une démarche suicidaire, était devenu fou, inversant dramatiquement, outre les faits élémentaires sur le terrain, la perversion du langage et l’inversion des qualifications d’une guerre de défense légitime plus respectueuse du droit qu’aucun autre conflit armé à ce jour, en prétendu « génocide des Palestiniens ». Tout cela en jetant aux ordures les valeurs qui lui servaient de fondement.  Par ce tour de passe-passe malhonnête, beaucoup voudraient se faire croire que l’Occident et Israël se trouvent de nouveau, prétendument, en concurrence morale.

L’Etat d’Israël qui rassemble les Juifs de retour d’exil de tous les paysages humains est un bon poste d’observation pour élucider les causes profondes de ce qu’il faut bien, du point de vue Juif et pour tout observateur épris d’objectivité, appeler un effondrement moral de l’Occident, effarant par sa rapidité, son extension et sa gravité.

Rappelons que les Hébreux après la chute du deuxième royaume de Judée et la destruction du Temple, ont augmenté leur dispersion dans tout le monde connu. Ils sont devenus les Juifs, des descendants des Hébreux mais greffés sur l’identité des peuples au milieu desquels ils vivaient. Les Israéliens d’aujourd’hui ont ramené de leurs exils des habitudes, des savoirs et des compréhensions du monde et de l’Histoire que peu de peuples contemporains possèdent.

Il peut sembler utile pour élucider ces phénomènes, de se fonder sur ce que nous enseigne la Tradition d’Israël enseignée par le Rabbin Léon Askenazi (Manitou) et rapportée par le Rabbin Akerman, relativement au conflit principiel entre morale chrétienne et morale juive. Ce conflit est décrit par la Bible hébraïque dans le débat initial entre Caïn et Abel, puis par l’entrée en scène du troisième frère, Seth.

Caïn étant, selon le récit biblique, le premier enfant né d’un père et d’une mère, il figure l’image de l’héritier absolu du monde. Il est dans sa nature de ne souffrir aucune concurrence et de ne pas pouvoir seulement comprendre le concept de « frère ».

Abel, pour sa part, est l’être-frère par excellence et son rôle de berger consiste à enseigner la fraternité et le partage à tous, et en premier lieu, à son ainé. L’échec d’Abel et son meurtre par son frère est lié à son incapacité précisément à empêcher, par la force si nécessaire, la violence que Caïn, dans son système et sa configuration naturelle, a pu croire légitime. Il faudra attendre la naissance, beaucoup plus tard, de Seth qui lui, aura la force de s’opposer à la violence, en exigeant la réciprocité, pour qu’émerge une véritable fraternité.

Or, La morale chrétienne se fonde sur la vertu de charité, en Hébreu « Hessed », personnifiée par le Patriarche Abraham, alors que l’Hébraïsme ne conçoit pas de morale sans la jonction de la charité et de la Justice, en Hébreu, « Din », personnifiée par le patriarche Isaac. Pour le Judaïsme, il ne peut y avoir de charité vraie sans justice, sans réciprocité minimale, c’est-à-dire sans vérité, en Hébreu « Emeth », dans les rapports moraux, personnifiée par le patriarche Jacob, le seul à recevoir le nom d’« Israël ».

En vérité, la civilisation chrétienne, devenue la civilisation occidentale a sans doute pu réussir à créer des ilots de charité dans les monastères, mais certainement pas dans la société globale. Toute son histoire en témoigne et les Juifs sont parmi les mieux placés pour le savoir.

La tradition orale, interprétative de la Bible ne manque pas de développer largement ces thèmes, insistant notamment sur le fait que la charité pour les méchants et cruels en fin de compte, se transforme en cruauté.

Il reste que l’effondrement culturel et moral de l’Occident héritier des « lumières » depuis trois siècles au moins, face à l’autocratie de l’Islam, demeure surprenant.

L’Islam pour sa part, se considère comme l’évolution ultime de la pensée et de la foi. Tout entier fondé sur l’exigence de loi (Din), Il prétend annexer sans complexe les personnages bibliques qui lui conviennent : Adam, David, Salomon, etc… Il demeure, lui aussi, pour ce qui concerne l’interprétation majoritaire de ses textes fondateurs, dans l’incapacité absolue de la reconnaissance de l’altérité et son objectif avoué est la domination politique et spirituelle du monde. Il reste donc, comme civilisation, identifié au personnage de Caïn du récit biblique. Apprendra-t-il de nos jours, comme les « Accords d’Abraham » semblent en annoncer la bonne nouvelle, le concept de réciprocité ?

Deux thèmes essentiels semblent pouvoir expliquer les développements actuels :

D’une part la conquête de l’Occident par l’Islam commencée par le chantage au pétrole de 1973, poursuivie par le trop célèbre « dialogue euro-arabe », véritable mise en coupe réglée financière et idéologique de l’Occident par l’OCI, l’organisation de la coopération islamique, puis continuée par l’entrée massive sur les territoires occidentaux d’une population musulmane compacte, refusant massivement l’adhésion aux valeurs, aux us et coutumes et jusqu’aux langues des pays d’accueil. Cette action continue a conduit en quelques années à une véritable déliquescence de l’Occident, les principes du Djihad, la conquête des terres émergées par l’Islam, ayant supplanté dans bien des esprits, souvent contraints et forcés, les idéaux des « lumières ».

D’autre part, il s’avère que la résurgence de la souveraineté juive au Pays d’Israël et ses succès dans de nombreux domaines, remet en lumière la problématique fondamentale du schisme chrétien par rapport à la Bible des Hébreux.

Tant que le monde chrétien s’était cru le « Verus Israël », le « véritable Israël », réduisant les Juifs à un statut mineur de « Juif errant », il ne pouvait avoir de doute sur le choix de Saül de Tarse dit « Saint-Paul » d’abandonner les commandements de la Thora pour fonder véritablement une nouvelle religion, moins contraignante, mais qui donnait la clef du nombre et de la puissance.

Le principe chrétien de « Rendre à César ce qui lui appartient et rendre à D.ieu ce qui lui revient », qui signifie que la morale serait séparée de la politique, est contraire aux enseignements bibliques d’Israël.

Toutes ces questions, vieilles de vingt siècles, éclatent de nouveau avec vigueur et remettent à jour le complexe schismatique fondamental d’une civilisation qui s’est largement inspirée de la civilisation d’Israël, mais en a profondément modifié les enseignements qu’aujourd’hui elle ne comprend plus.  Elle est interloquée et choquée par la vitalité du Peuple d’Israël , parfois, avec la tentation de le détruire directement ou par puissance interposée.

Alors qu’a Téhéran, depuis 40 ans, une horloge compte les heures que le régime des Ayatollahs prétend laisser vivre l’Etat d’Israël, se préparant activement depuis tout ce temps à sa destruction, bien des Etats occidentaux, parfois très chrétiens, n’ont pas manqué de commercer et d’entretenir des relations très amicales avec ce régime.

Un petit pays de 10 millions d’habitants dont 7 millions de Juifs est parvenu en quelques mois à résister puis largement vaincre, un Etat de 90 millions d’habitants vaste comme trois fois la France, qui l’avait entouré sur 360 degrés d’armées et de milices assoiffées de sang, dotées d’argent, d’armements et d’idéologie génocidaire. Puis à deux reprises, a lancé contre son minuscule territoire en visant délibérément sa population civile, des attaques de centaines de missiles balistiques tous dotés d’un pouvoir destructeur suffisant pour annihiler un pâté de maisons.

Israël, grâce à son génie inventif, a pu faire face à ces attaques et limiter ses pertes, toujours trop lourdes chez des gens qui attachent un prix à la vie.

Or, avec tout cela, c’est Israël qui serait mis au ban des Nations ! Décidément, la honte n’est pas dans notre camp.

Léon Rozenbaum

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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