Le viol de Kippour et l’attaque terroriste sur le Negev occidental Par Léon Rozenbaum*

Introduction
Un événement sans précédent, d’une puissance symbolique immense, s’est produit en Israël durant la dernière journée de la solennité de Yom Kippour. Plus de 500 Juifs Israéliens se sont organisés à Tel-Aviv et ailleurs, dans une vingtaine de lieux de prière, pour délibérément empêcher le déroulement de la prière d’autres Juifs, avec des insultes et des violences intolérables, brutalisant hommes, femmes et enfants, le jour le plus saint de l’année juive consacré au jeune, à la sérénité et à l’intimité de la prière. Un tel comportement partout ailleurs qu’en Israël serait qualifié d’antisémitisme. Il faut regarder en face le fait qu’il s’agit bien de cela, du pire des antisémitismes, l’antisémitisme juif.
Quelques jours plus tard, lors de la fête de Simhat Thora, s’est produit un événement stratégique gravissime, une attaque terroriste antisémite majeure du Hamas qui n’a pas pu être stoppée à temps, a entrainé l’assassinat de centaines de citoyens Israéliens paisibles, Juifs et Arabes, des milliers de blessés et le rapt d’un nombre encore inconnu d’hommes, femmes, enfants et vieillards dans une atmosphère de sauvagerie pogromiste que beaucoup d’Israéliens ne croyaient plus possible ou ne pouvaient même pas imaginer.
Au moyen d’une ruse, les terroristes sont parvenus à tromper la vigilance de Tsahal qui a mis un temps trop long à réagir, entrainant, en couplant cette attaque terrestre avec une attaque de centaines de missiles sur tout le pays, une véritable catastrophe nationale. La Nation entière est en état de choc. Des unités spéciales sont à l’œuvre pour nettoyer le terrain des terroristes qui se trouvent encore sur notre territoire, parfois en détenant des otages. Une contre-attaque sur Gaza a évidemment été déclenchée.
Le massacre massif de Juifs parce qu’ils sont Juifs, ici et maintenant, vient nous mettre au pied du mur. Nous ne pouvons pas continuer à nous déchirer sur des questions théoriques de haute politique, de nuances juridiques ou de sensibilité religieuse, quand l’ennemi à nos portes vient soudain nous rappeler qui nous sommes et que nous sommes dans le même bateau ou le même wagon plombé. Aujourd’hui le temps n’est pas aux règlements de comptes mais à l’effort commun vers la victoire, seule solution pour assurer notre survie commune face aux menaces combinées contre nous par l’Iran à Gaza, au Liban, en Syrie et au Yémen.

Cependant, comme certains organes de presse, comme « Haaretz », poursuivent, même maintenant, leurs délires médisants notamment contre le Premier Ministre légalement et démocratiquement élu de l’Etat Juif Souverain, Il n’est pas possible de faire l’économie d’une tentative de réflexion et d’explication globales sur ce qui nous a conduit là où nous sommes.

Pour mesurer les motifs et les effets de ces deux événements et leurs liens avec la querelle sur la réforme judiciaire et la crise de société, il semble qu’il soit nécessaire de procéder à un survol de la situation générale du Peuple Juif et de l’Etat d’Israël. Dans ces circonstances, et pour bien prendre la mesure de la cohérence des événements, il ne faut pas craindre le ridicule, et à l’ère du téléphone mobile, quand on ne sait plus qui sait quoi, il peut être utile de rappeler des données de base supposées connues.

Les remous sans précédent que connait notre pays et dont chacun reconnaît les dangers, non seulement doivent être analysés sérieusement, mais surtout, il va falloir parvenir à un certain consensus quant à leur signification et aux moyens de stabiliser le pays, pour que la vie commune puisse reprendre, peut-être sur des bases meilleures.

Les considérations qui suivent touchent tour à tour, succinctement et dans le désordre, à l’Histoire, au Droit, à la Civilisation, à la foi, à la politique, à la stratégie et à la psychologie collective. Le lecteur, s’il est assez patient, comprendra qu’il n’y a guère d’autre moyen d’aborder le sujet.

La Genèse de l’Israël moderne

L’Etat d’Israël est l’Etat national du Peuple Juif, reconstitué, il y a 75 ans, après 19 siècles d’exil et de dispersion parmi presque toutes les Nations de la terre. Y vivent aussi plusieurs minorités nationales et religieuses, quelque 20% de la population, qui se sont vu offrir d’emblée l’égalité des droits dans tous les domaines. L’application concrète, sur le terrain, de ce principe est parfois controversée. Il compte près de dix millions d’habitants.

Comme suite aux agressions perpétuelles dont il est victime, cet Etat, en 1967, après une très dangereuse tentative d’annihilation par des armées arabes coalisées, et après avoir repoussé l’ennemi, a récupéré des territoires que le droit international public lui avait reconnus. Cette reconnaissance était advenue dans un acte fondateur, le Traité de Sanremo de 1923, sous les auspices de la Société des Nations qui a précédé l’ONU. Or, ces petites régions, et aujourd’hui il est devenu évident qu’il en est de même pour la région de Gaza, jouent un rôle stratégique essentiel et, d’après la majorité des spécialistes militaires et la simple logique, il lui est, pour la défense minimale du pays d’Israël et de ses citoyens, véritablement impossible de renoncer à conserver la souveraineté sur ces modestes territoires.

De plus, la Judée et la Samarie, constituent le berceau historique de la Nation Juive. Or, elles sont occupées essentiellement par une population Arabe à majorité Musulmane, qui, pour une large part, aspire à s’ériger en Etat arabe palestinien souverain sur tout le territoire d’Israël, en ses lieu et place.

Un trop grand nombre de personnes font cependant semblant d’ignorer que dès 1946, s’est constitué avec la complicité des Britanniques, sur les 4/5 du territoire que le Traité de Sanremo destinait aux Juifs, l’Etat de Jordanie dont 80% des habitants se déclarent Palestiniens. La Jordanie compte environ 11 millions d’habitants.

Un partage inégalitaire de la Palestine a donc déjà eu lieu en 1946, dont les Arabes ont reçu les 4/5. Gaza est le reliquat de la zone occupée dans notre pays par l’armée égyptienne d’invasion en 1948 pour empêcher le rétablissement de la souveraineté juive.

La description d’Israël comme l’occupant en Judée et en Samarie est un mensonge dissimulant très mal l’intention de liquider l’Etat Juif, en lui laissant un territoire indéfendable, trop souvent ressassé en Occident pour des raisons troubles, mais aussi en Israël même, par des Israéliens inféodés aux concepts et aux travers de l’Occident.

 

Malgré toutes les tentatives de stabiliser le conflit et notamment les déclarations  et « accords » d’Oslo, la même réalité demeure de la position majoritaire des Palestiniens, clairement personnalisée par Arafat et son successeur, sans parler du Hamas ni de l’Iran : la volonté d’annihilation de l’Etat Juif et éventuellement l’unification de la « grande Palestine arabe » avec la Jordanie peuplée d’une vaste majorité de « Palestiniens » (dont la plupart sont les descendants de ceux arrivés dans le pays des Etats arabes voisins après 1920, auxquels se sont adjoints tous les « desperados » du monde Arabe, parce que les Juifs l’avaient développé). Le simple fait d’envisager une souveraineté étrangère à proximité immédiate des centres de population juive, constitue au Proche-Orient si instable, une menace existentielle intolérable pour Israël. Pour ne pas voir et entendre cela, il faut vouloir être aveugle et sourd et surtout aujourd’hui.

Depuis la conclusion d’un traité de paix entre Israël et la Jordanie en 1994, Israël a renoncé à se prévaloir du Traité de Sanremo concernant le territoire jordanien, mais nullement, et cela est vrai de tous les Gouvernements Israéliens de droite et de gauche, pour ce qui a trait à la Judée-Samarie.

La région de Gaza peuplée, elle aussi de près de deux millions d’Arabes musulmans, vidée totalement de sa population juive dans des conditions controversées, dispose d’une totale autonomie, d’un passage vers l’Egypte et consacre d’importantes ressources à préparer une guerre de conquête contre Israël. Dirigée par l’organisation terroriste du Hamas qui fait régner un régime de violence sur sa population locale, elle se livre régulièrement à des assauts aux missiles, de plus en plus meurtriers contre la population civile d’Israël. Son statut futur reste indécis. Après l’attaque récente, et les opérations en cours, de nouvelles considérations stratégiques s’imposent.

Les habitants arabes de ces trois régions n’ont pas la citoyenneté israélienne, à la différence de ceux du reste du pays.

Dans ces conditions, quiconque maintient que le très modeste territoire de 28,000 Km2 sous contrôle israélien (sauf Gaza), doit être partagé en deux souverainetés, ignore délibérément la réalité, soit par hostilité foncière à la souveraineté juive, soit par naïveté coupable. Ceux parmi les Palestiniens qui ne pourront pas supporter de vivre sous souveraineté juive, auront toujours la faculté de rejoindre l’Etat palestinien arabe, la Jordanie, ou tout autre pays arabe musulman de leur choix, ou tout autre lieu dans le monde.

Le Judaïsme

Trois éléments inséparables définissent traditionnellement Israël :

-1 la Thora, soit la Bible hébraïque, le Talmud et les enseignements des Sages ;

2- le Peuple Juif, traditionnellement dénommé « Peuple d’Israël », dans toutes ses composantes ;

3- la Terre d’Israël, pour l’essentiel, entre Méditerranée et Jourdain.

La civilisation d’Israël qui s’est édifiée dans ce cadre géographique est millénaire puisqu’elle remonte à près de 4000 ans. Elle est l’une des rares civilisations antiques à avoir survécu jusqu’à nos jours. Sa survie même, loin de son foyer originel tient largement du prodige, comme d’ailleurs la conservation de la langue hébraïque et sa renaissance au 20ème siècle.

Dans les catégories de la pensée juive, l’originalité de cette civilisation tient surtout au fait qu’elle est fondée sur une théologie de la liberté : un peuple, qui n’était au départ qu’une famille, réduit en esclavage par la plus grande civilisation du temps, celle d’Egypte, après s’y être développé intensément, se libère, sous l’influence d’un Prophète immense, Moïse, guidé par le D. créateur du ciel et de la terre, transcendant et immanent, Maître de l’Histoire, qui ramène ce peuple qu’il a choisi, pour lui rendre le Pays donné à ses pères à la fois physiques et spirituels, Abraham, Isaac et Jacob.

En échange, ce peuple reçoit l’obligation de prendre pour constitution la morale elle-même, dont les principes, extrinsèques à l’humain proprement dit, lui sont dévoilés au Sinaï dans un évènement fondateur prodigieux resté dans la mémoire des hommes. Ce plan divin consiste à faire réussir l’Histoire de l’Homme qui devra construire un monde de moralité ou D. et l’Homme pourront cohabiter.

Israël doit être le modèle de cette construction et devenir, avant d’atteindre à ce but, « un Royaume de prêtres et une Nation sainte ».

Être libre, c’est choisir de ne servir que ce D. invisible, au nom imprononçable, le D. d’Israël, parce que s’affilier corps et âme à toute autre cause ou personne humaine conduit à l’aliénation. Aussi, la liturgie juive n’a de cesse de rappeler, comme une obsession « souviens-toi que tu as été esclave en Egypte », assume ta liberté par une conduite de moralité !

La vision juive est universaliste sans être impérialiste : l’humanité entière est invitée à être libre, par libre choix. Reconnaître le Nom du D. d’Israël ne signifie pas qu’elle soit invitée à devenir juive. La division de l’Humanité en Nations, chacune ayant sa dignité propre, est légitime. Israël, à la différence des Chrétiens et des Musulmans, n’a jamais aspiré à l’empire universel.

Israël sur sa Terre

Pendant plus d’un millénaire et quart, (1), le peuple d’Israël développera dans son Pays sa civilisation, sa pensée et un livre unique, le plus lu de la terre, et une sagesse qui est l’un des plus importants monuments d’Humanité. Il connaitra une apogée politique sous le règne du Roi Salomon puis sera tour à tour dominé par les plus grands empires des temps qu’il          traversera, L’Assyrie, la Perse, l’Hellénisme. Ensuite, durant deux cents ans, il retrouvera son indépendance sous les rois Hasmonéens. Il tombera après cela sous la domination de Rome-Occident, la domination la plus longue, dont il est en train de se libérer.

Cette libération est un processus complexe qui ne peut se dérouler que par étapes puisque la civilisation occidentale s’est répandue partout dans le monde et s’est crue elle-même longtemps, surtout à la période moderne, « la civilisation » par excellence. Or, elle n’en est plus aujourd’hui si sure, mais, cependant, beaucoup de Juifs qui longtemps ont bu à cette coupe, continuent d’y croire par habitude de fidélité, ayant par ailleurs perdu une grande part de compréhension de leur propre identité.

L’exil

Les deux mille ans d’exil depuis le temps qui a suivi la destruction du deuxième royaume de Judée ont certes été marqués de tragédies, de persécutions, de massacres, de conversions forcées mais aussi, souvent, d’embellies et parfois d’« âges d’or », d’autonomies diverses par lesquels, les Juifs ont pu maintenir et développer un système de droit, une tradition d’étude et de foi et surtout une manière d’être, une stratégie de survie qui alliait leur identité hébraïque éminente à l’identité des pays dans lesquels ils séjournaient.

Ils étaient devenus, selon l’expression du Rav Léon Askenazi, Manitou, זצ »ל : “Judéo-quelqu’un d’autre”. Ce faisant, ils se sont largement imprégnés de la sagesse des peuples rencontrés sur leur route et de leur visage particulier de l’universel humain.

Hélas, les deux symbioses les plus fécondes des Juifs avec les Peuples, l’Espagne que l’Hébreu appelle « Séfarad » et l’Allemagne que l’Hébreu appelle « Ashkenaz », dont nous nous affublons encore des noms par fidélité exagérée, se sont terminées en drames épouvantables comme toutes ces tentatives, au départ généreuses. Le pire de ces drames, la Shoah, le massacre sélectif de masse des Juifs d’Europe au milieu du vingtième siècle, continue de nous hanter et d’influencer nos comportements et nos décisions.

Le Sionisme

Le mouvement du Retour des Juifs à leur antique patrie à la fin du 19ème siècle, le Sionisme, a ouvert un nouveau chapitre essentiel de l’Histoire juive. La restauration de la souveraineté juive dans son pays en 1948 est un événement d’une portée considérable. En trois quarts de siècle, malgré des conditions difficiles, elle y a rebâti un petit pays dynamique et florissant, pratiquement autosuffisant sur le plan alimentaire, exportant une vaste production agricole et même industrielle et surtout du savoir-faire et de la propriété intellectuelle, plaçant Israël à un niveau de développement comparable à celui des pays européens les plus avancés.  La reconstitution de l’identité hébraïque a aussi profondément marqué le Peuple Juif dans le monde entier au point d’y attirer désormais la quasi-majorité des Juifs du monde.

Il est nécessaire de remarquer que ce résultat est le fruit d’un déjà long effort.

 

 

Les grands courants en Israël contemporain

Trois courants intellectuels principaux dominent la scène en Israël : La laïcité militante, le Haridisme ou religieux orthodoxe très conservateur, et le Sionisme religieux. Il existe bien entendu des variantes et des mélanges, car la réalité ne se confond jamais avec les cas d’école.

Les Juifs « laïques »

Le développement du Sionisme a nécessité l’émergence d’un mouvement sioniste laïque puisque la plupart des Rabbins contemporains du visionnaire de l’Etat, Theodore Herzl, s’opposaient au mouvement, même si une minorité d’entre eux le soutenaient vivement. Or, les « laïcs » de l’époque, avaient tous une forte identité juive et avaient été formés au savoir traditionnel.

Trois ou quatre générations plus tard, les laïcs militants, ayant tout oublié du savoir juif selon la Tradition, sont totalement inféodés aux catégories de pensée de l’Occident déchristianisé mais imprégné de ses concepts, souvent avec plus de hargne que les Occidentaux eux-mêmes ! Pour qu’une majorité de Juifs dans le monde se rallient finalement à l’Etat Juif souverain, il a donc fallu un long processus qui peut en partie expliquer les difficultés actuelles.

De plus, il serait illusoire de croire que ce qui a caractérisé les rapports ambigus entre l’Occident, chrétien dans son essence, et le Peuple d’Israël pendant 2000 ans, ait disparu comme par magie. Toute la civilisation occidentale continue à l’évidence d’éprouver, en liaison à la filiation du Christianisme par rapport au Judaïsme, une relation d’attraction-répulsion à l’égard d’Israël, culturellement et politiquement.

Chez les Juifs déjudaïsés, et particulièrement chez les Israéliens déjudaïsés, c’est encore pire. La dépersonnalisation les met en porte-à-faux : il est difficile d’avoir l’Hébreu comme langue maternelle et de honnir le message biblique essentiel dont l’Hébreu est porteur. Cela conduit à la haine de soi, la trop fameuse « Selbsthass ».

C’est aussi pourquoi, ils s’avèrent incapables de comprendre la notion de « Laïcité » qui est une notion inventée dans la France du début du 20ème siècle et qui signifie essentiellement la conjugaison de la liberté de ne pas croire, mais aussi de la liberté de croire. Ils sont prêts à appliquer le second terme aux Arabes Musulmans, mais pas à leurs frères Juifs ! De très nombreuses déclarations et passages à l’acte dans ce milieu, depuis 9 mois, dénotent des comportements quasi psychotiques.

Le Haridisme

Le Haridisme se caractérise essentiellement par le fait qu’aux yeux des principaux dirigeants de ce courant, l’Etat sioniste n’est pas « descendu du ciel » et donc n’est pas conforme à leur interprétation des Ecritures, qui, personne ne le conteste, prévoient bien le Retour des Juifs au Pays d’Israël.  Comme il a fallu que des Juifs se rassemblent dans la Patrie Historique pour y labourer le sol et jeter les bases du retour à la souveraineté juridique, il ne serait donc pas véritablement légitime à leurs yeux.

Cette thèse les oblige à bien des contorsions pour participer au Gouvernement, parce qu’il faut bien gérer les affaires publiques et ils sont une part grandissante de la population. Une infime minorité parmi eux, vont très loin dans leur refus de la légitimité et se livrent à des provocations en faisant allégeance à l’ennemi. L’immense majorité de cette population, au contraire, a pris la mesure de la signification historique et religieuse de la restauration de la souveraineté juive dans son pays, chacun au degré qu’il trouve juste.

Le Sionisme Religieux

Le Sionisme religieux est aujourd’hui le courant central, avec bien des nuances en son sein. Le Rav Kook est considéré comme le fondateur de ce courant. Contemporain des débuts du Sionisme réalisateur et lui-même originaire du Judaïsme le plus orthodoxe, il a perçu et développé dans ses écrits la compréhension de l’immense portée nationale et religieuse du retour à la Terre d’Israël de jeunes enthousiastes même s’ils ne pratiquaient plus exactement les commandements de la Thora. Il y a vu un acte religieux et national par excellence.

Si tous acceptent l’idée que l’Etat d’Israël est bien « le début de la floraison de notre délivrance » selon les termes de la prière pour l’Etat prononcée chaque Chabbat dans les Synagogues de ce courant, ses adeptes témoignent aujourd’hui d’un grand nombre d’approches différentes.

L’évolution la plus récente est le retour grandissant de l’intérêt d’une partie de la population « laïque » pour la tradition juive. Dans la région de Tel-Aviv qui a été longtemps considérée comme une forteresse laïque, se développent des centres d’étude du Judaïsme, des lieux de culte, se multiplient les conférences et les séminaires sur ce sujet. Le Sionisme religieux se diversifie donc.

Par ailleurs certains courants en son sein, déçus par leurs dirigeants jugés trop mous ou incapables de transmettre la Tradition à un niveau adéquat, se rapprochent du Haridisme et ses méthodes d’enseignement exclusivement tournées vers l’étude traditionnelle et excluant les matières profanes telles que les mathématiques, la physique-chimie, les langues, l’Histoire universelle et la géographie.

Un vaste courant central reste cependant ancré à la fois dans le Sionisme qui stipule un large rassemblement des Juifs dans leur Patrie Historique, ayant totalement intégré les aspects techniques et scientifiques de la modernité occidentale, et la foi juive, avec toutes ses nuances dans la pratique des Commandements.

La Diaspora Juive

Deux tendances caractérisent la Diaspora aujourd’hui. D’une part une propension accélérée à l’assimilation, la perte de substance juive et surtout par un taux de mariages mixtes de l’ordre de 80% dans les pays développés, un faible taux de fécondité, en dehors des milieux orthodoxes, et d’autre part une tentative de trouver une justification théorique à la pérennisation de l’exil. Ces deux tendances ont pour effet un éloignement manifeste de ces communautés de l’Etat d’Israël. Même s’il reste partout des Juifs attachés viscéralement à l’Etat Juif souverain, ils sont rarement la majorité aujourd’hui dans leurs communautés dispersées dans le monde. L’éloignement d’Israël a surtout été sensible dans la communauté juive des USA, lorsqu’une majorité de ses membres a réélu Obama alors qu’il avait mené une politique fort peu aimable à l’égard d’Israël. Depuis, l’écart s’est encore creusé. Les Juifs européens n’osent guère exercer la moindre pression sur leurs gouvernements, même en faveur d’Israël.

Le recul de la démocratie en Occident

Il faut comprendre, qu’en plus des tendances si diverses dans la manière d’être Juif, Israël, comme la Diaspora sont traversés par les courants intellectuels, politiques, littéraires, scientifiques qui affectent le monde occidental contemporain. Or l’une des tendances majeures qui se sont développées en Occident au cours des dernières années est celle décrite, il y a déjà une vingtaine d’années, par un sociologue américain cité par le journaliste Michel Gurfinkiel, du nom de Christopher Lash, dans l’émission présentée par le journaliste Richard Darmon sur « Qualita ». (https://youtu.be/l_la2tZd8?si=GcJUK_m_1dhTVva).

Dans un livre intitulé : « La Révolte des Elites » avec pour sous-titre : « La Trahison de la Démocratie », Chistopher Lash met en lumière une tendance prononcée des élites économiques, politiques, intellectuelles, universitaires, dans les démocraties occidentales, à développer une forte distanciation à l’égard des couches populaires.

Le paradoxe est que ces élites continuent parallèlement à se proclamer « de gauche » c’est-à-dire engagées dans un combat pour l’égalité sociale. Mais, en réalité, elles s’éprouvent de plus en plus solidaires de toutes les autres élites à travers le monde, comme une immense confrérie.

Cela se traduit de plus en plus clairement par la volonté de leur part, certes de veiller à subvenir aux besoins élémentaires de la population, mais d’exiger que l’essentiel du pouvoir dans le pays où elles demeurent soit entre leurs mains. Le principe démocratique selon lequel le peuple se gouverne lui-même en élisant ses représentants, la démocratie « formelle » arithmétique, ne serait plus de mise.  De plus en plus souvent, elles prétendent exiger désormais une démocratie « des valeurs ». Le problème est que ces valeurs doivent être définies par eux-mêmes !  Or cela précisément, ce n’est plus la démocratie mais l’oligarchie. Il y a là un recul saisissant dans la conception de la structure des sociétés humaines.

Cette analyse jette la lumière sur certains désordres graves constatés dans plusieurs grandes démocraties actuelles comme les U.S.A., la France, l’Italie et Israël.

La dérive en Israël

En Israël, cette dérive est un processus déjà ancien et subtil, décrit notamment sous la plume de l’auteur de ces lignes ( Un régime démocratique ? – Source Israël (sourceisrael.com)) par lequel une jurisprudence progressive et continue de la Cour Suprême, a placé cette institution au-dessus du Gouvernement et du Parlement, la Knesset, sans aucune intervention du législateur. Ce « Gouvernement des Juges » entretenu par un mode de recrutement de ces derniers, très contestable, et d’ailleurs entouré de secret, assure la prééminence dans les affaires de l’Etat d’une caste idéologique proche du parti « démocrate » américain actuel, mais très minoritaire en Israël. Ce système allié à une croissance démesurée, ne s’appuyant sur aucune loi, mais seulement sur une pratique d’autorité, des prérogatives du Conseiller Juridique du Gouvernement et des conseillers juridiques des Ministres, donc de simples fonctionnaires de l’Etat choisis dans le sérail, s’autorisant à adresser des injonctions dans tous les domaines aux différents Ministres , y compris au Premier-Ministre chef du Gouvernement, a entrainé un grave dysfonctionnement des institutions démocratiques, surtout lorsque les élections populaires conduisent au pouvoir un Gouvernement de droite.

La crise actuelle  

Or les dernières élections de novembre 2022 ont porté au pouvoir formel une coalition de droite, avec une majorité relativement confortable de 64 Députés sur 120 membres de la Knesset, décidée à remédier à ces déviances par une simple réforme judiciaire, ramenant le pouvoir judiciaire dans les rails de la démocratie. L’auteur de ces lignes y a consacré une tentative d’explication : Petit résumé de la crise constitutionnelle en Israël – Source Israël (sourceisrael.com).

Le tir de barrage de l’opposition, de la presse et des  « élites », dès la constitution du Gouvernement et surtout après la mise en chantier de la réforme,  a très rapidement pris un tour forcené, de manifestations, de blocages des routes, avec déploiement de moyens sans précédent grâce à un financement massif opaque et une technicité manipulatoire jamais vue en Israël. La « révolte des élites » au sens de Christopher Lash, a ici pris la dimension d’une contre-révolution au sens de la réaction nobiliaire de la noblesse française d’avant 1789 ! Il s’agit de rien de moins que d’écarter les classes populaires du pouvoir. Le juge Aharon Barak qui avait mis en œuvre ce qu’il a lui-même appelé la « révolution constitutionnelle » coup d’envoi du positionnement de la Cour Suprême au-dessus du Gouvernement et du Parlement, en était arrivé à distinguer, jusque dans ses arrêts de justice, un « Tsibour Naor », un « public éclairé » du peuple ordinaire. Cette approche en dit long sur les conceptions démocratiques de ces élites auto-proclamées.  Une kyrielle d’anciens politiques, d’anciens généraux, de Juges, d’avocats se sont rangés résolument aux côtés de la subversion, entrainant toute une population de bonne foi, manipulée. La majeure partie de la presse écrite et électronique s’est mise au service de cette manipulation, oubliant cette remarquable affirmation de George Orwell : « Il n’est pas indispensable, pour être corrompu par le totalitarisme, de vivre dans un pays totalitaire. Imposer une parfaite uniformité d’opinion sur tous les sujets est un premier pas vers la dictature ».

C’est bien l’impression que l’on pouvait recueillir de la presque totalité de la presse, des radios et des chaines de télévision durant les 9 derniers mois.

Le délire et le malentendu

Le déchainement des manifestations contre la réforme judiciaire a de loin dépassé toutes les oppositions politiques antérieures en Israël, jusqu’à remettre en cause des principes fondateurs du pays tels que l’exclusion de la politique dans l’armée nationale, par le chantage de certains pilotes de guerre, menaçant de ne plus être présents à l’appel si le Gouvernement poursuivait sa politique, par des tentatives de saboter l’économie nationale en cherchant à faire baisser le rang du crédit international du pays, par des menaces de quitter le pays avec leurs capitaux, de la part de certains magnats de l’informatique ou du grand commerce. Ces manœuvres se prétendaient « pour la défense de la démocratie » mais en réalité piétinaient ses principes élémentaires.

Derrière ces délires se dissimulait un problème plus grave d’identité, les Juifs « laïques » s’éprouvant menacés d’une part par leur baisse démographique relative, puisqu’ils ont moins d’enfants que la moyenne des autres groupes, et d’autre part par l’intérêt croissant suscité par les Etudes juives dans leur propre milieu. Les défilés de « femmes en rouge » simulant un avenir d’« esclaves sexuelles » pour la gent féminine , si la Tradition juive s’implantait davantage en Israël, manifestations inspirées d’un roman d’anticipation délirant, mettent en lumière l’ignorance crasse de ces Juifs de leur propre tradition et un profond malentendu.

En effet, le Judaïsme repose sur une théologie de la liberté qui sert de fondement au Peuple d’Israël depuis ses origines. Il faut une dramatique aliénation et déperdition de substance juive pour attribuer à cette tradition le contraire ce qu’elle est. Quelques groupes minuscules, vêtus de noir de pied en cap, montés en épingle, donnent, il est vrai une très fausse image de son contenu.  Sur tous ces points, la société israélienne globale doit prendre la mesure de ses insuffisances au niveau de l’éducation de sa jeunesse, dans tous les milieux.

Conclusion

La crise de société à propos du rétablissement de la séparation des pouvoirs n’est pas la seule cause de la catastrophe engendrée par l’invasion du Hamas sur le Negev occidental et l’incapacité de Tsahal à l’empêcher. Les responsables militaires et politiques devront rendre des comptes. Mais depuis des mois, cette crise a créé un climat de désordre, d’incertitude, de dysfonctionnements, de manque de confiance et d’hostilité interne qui a largement contribué à l’insoutenable débâcle.

En trois jours, face à l’adversité d’un impitoyable ennemi, l’unité du Peuple d’Israël, y compris la Diaspora, s’est largement rebâtie. L’urgence est maintenant une victoire absolue sur les forces acharnées à nous détruire et cela prime sur toutes les autres questions.

Il est devenu plus clair que jamais, qu’Israël doit appliquer définitivement sa souveraineté sur la région de Gaza, sur la Judée et sur la Samarie, sans accorder sa citoyenneté aux résidents Arabes de ces régions. Un statut d’autonomie limitée pour eux est la seule option possible, avec la faculté d’émigrer librement et de recevoir la citoyenneté de l’Etat palestinien Arabe, la Jordanie ou vers certains pays arabes assez réalistes pour signer la paix avec Israël. Les pressions internationales n’ont plus la moindre importance. C’est notre vie, individuelle et collective, qui est en jeu. La preuve en a été rapportée définitivement.

Pourtant, il ne sera pas possible à terme de ne pas reposer toutes les questions de notre organisation intérieure et de les affronter réellement, mais cette fois, comme des frères parlent à leurs frères.

Léon Rozenbaum

*Avocat Israélien de formation française

  • Une étude scientifique récente publiée dans la revue « Nature » par des chercheurs britanniques de l’université de Cambridge a permis récemment, de dater précisément l’éclipse circulaire par laquelle la Bible expose que Josué arrêta le soleil, au 30 Octobre 1207 (avant l’ère commune).

 

One Response to Le viol de Kippour et l’attaque terroriste sur le Negev occidental Par Léon Rozenbaum*

  1. oury cherki dit :

    ce document est d’une lucidite lumineuse. a diffuser et a traduire (en hebreu aussi) en plusieurs langues dans le monde entier.

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