Réformette ou « ruine de la démocratie » ? Par Léon Rozenbaum *

L’outrance des propos tenus tant par le Juge Aharon Barak (1) que par La Juge Hayout (2), actuelle présidente de la Cour Suprême, à propos d’un train de mesures mineures de modifications dans le domaine judiciaire, présentées par le nouveau ministre de la Justice, Yariv Levine, a de quoi nous alerter sur la hargne qu’une certaine caste judiciaire voue à tous ceux qui souhaitent modérer les immenses pouvoirs qu’elle s’était arrogés sur l’appareil de l’Etat et l’anomalie qui en résulte.
Ces exagérations sans précédent, venant de personnes jouissant du prestige de leurs hautes fonctions passées et présentes ne manquent pas de déstabiliser un monde politique et une presse, déjà instables, dans un pays toujours menacé comme le nôtre, excitant les passions et empêchant tout débat sérieux sur le fond des questions réelles pendantes.

L’initiative de certains anciens ambassadeurs d’Israël, sur la base de ces déclarations, de choisir le journal français « Le Monde », qui depuis des années se livre à des attaques pernicieuses très souvent diffamatoires contre Israël, pour exprimer leur opposition et leur « profonde inquiétude » face à ces mesures, a de quoi nous faire douter de leurs capacités professionnelles, si ce n’est de leur loyauté. Et cela au moment précis où un groupe d’intellectuels et de chercheurs Juifs et non-Juifs publient un dossier entier sur ces perversions spécifiques du « Monde ».(Voir Tribune Juive : https://www.tribunejuive.info/2022/11/20/dossier-special-tribune-juive-le-monde-israel-un-lynchage-sans-fin/

Les mesures projetées par M. Yariv Levine touchent à quatre domaines différents :

-Une modification dans la procédure de désignation des Juges par le remplacement des deux représentants de l’Ordre des Avocats au sein de la commission de désignation, par des membres du parlement, cela afin de remédier à la tendance persistante de choisir essentiellement des magistrats d’un profil idéologique « de gauche »;

-Réaménagement du contrôle de la constitutionnalité des lois (que la jurisprudence de la Cour Suprême s’était accordée à elle-même sans aucune décision démocratique). Désormais, la Knesset aura le dernier mot même si la Cour conteste la constitutionnalité à une majorité spéciale ;

-Annulation du cas d’ouverture d’une instance à la Cour Suprême résultant de la « raisonnabilité » d’une décision contestée de l’administration y compris du Gouvernement. Le système actuel entraine en réalité le « Gouvernement des Juges », né lui aussi d’une jurisprudence de la Cour.

-Modification du statut des Conseillers Juridiques des Ministres, qui seront désormais choisis par le ministre en question et pourront être démis par lui. Jusque- là, bien souvent, la politique du ministre était entravée par son conseil juridique d’une obédience politique différente

Rien dans ce train de mesures ne modifie sérieusement l’ordre juridique israélien et ne menace de quelque façon la démocratie, au contraire. C’est l’équilibre des pouvoirs entre le Parlement, le Gouvernement et l’Autorité Judiciaire qui est rétabli.

Ce qui est en jeu est bien plus profond. Cette étrange « gauche » israélienne composée surtout de la bourgeoisie dite « laïque » de plus en plus éloignée des thèmes de la Tradition d’Israël, se rêve à la pointe des « valeurs » européennes, non de l’Europe et de l’Occident tels qu’ils sont, en plein déclin, mais tels qu’elle se les représente comme n’ayant pas varié depuis trois quart de siècle. C’est ce que le Juge Barak avait appelé dans un arrêt devenu célèbre, « Hatzibour Hanaor », le « public éclairé » à l’opposé des gens simples, précisément la droite qui vient de gagner les élections.

Cette bourgeoisie s’estime investie de la légitimité démocratique, par nature, même contre toute évidence. Il va bien falloir qu’elle révise ses présupposés et regarde la réalité en face. En attendant, elle cause de grands dommages à la crédibilité d’Israël, elle-même sous attaque permanente de larges composantes de l’Islam et de l’Occident chrétien.

Il faut et il suffit que le nouveau Gouvernement et le parlement appliquent la loi avec simplicité et détermination et les esprits échauffés retrouveront le calme.

 

Léon ROZENBAUM

 

 

 

  • Le juge Barak a déclaré que « s’il pouvait empêcher cette réforme en s’exposant au feu d’une escouade de soldats le fusillant, il n’hésiterait pas ».

 

  • La Présidente de la Cour Suprême a déclaré dans une conférence de presse que ce train de mesures allait « porter un coup fatal à la démocratie israélienne ».

 

 

*Léon Rozenbaum a étudié le droit à Paris. Il est avocat au Barreau d’Israël depuis 1979.

3 Responses to Réformette ou « ruine de la démocratie » ? Par Léon Rozenbaum *

  1. Hochberger André dit :

    Bonjour Léon
    Ce que tu écris n’empêche pas qu’on a besoin d’un contre pouvoir sans que celui ci soit comme tu le décris à juste titre
    André

  2. Hochberger André dit :

    Bonjour Léon
    Ce que tu écris n’empêche pas qu’on a besoin d’un contre pouvoir sans que celui ci soit comme tu le décris à juste titre
    André

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