Option de foi
Les Juifs sont hélas trop familiers des situations de crise. Il n’est guère de Juifs vivants à ce jour qui ne soient, d’une manière ou d’une autre, des rescapés. Et il ne s’agit pas seulement du drame majeur du vingtième siècle, la Shoah, le massacre sélectif de masse en Europe civilisée d’un tiers du Peuple Juif.
Un examen plus attentif de la destinée juive révèle un enchaînement historique, presque ininterrompu de drames, massacres, guerres, viols, fuites, expropriations, vols, destructions, expulsions et autres. C’est la vie paisible des Juifs qui est l’exception. Presque toutes les familles du Peuple d’Israël conservent le souvenir de drames. Mais c’est justement parce que ceux qui sont demeurés dans le giron de ce Peuple, en dernière analyse, sont restés liés à la foi juive, ou l’ont redécouverte, qu’ils ne se complaisent pas dans une posture victimaire.
Ils vont de l’avant en Diaspora comme en Israël. Ils sont restés fidèles, et leurs textes fondamentaux en font foi, non seulement à l’unicité divine mais aussi à leur pays, leur patrie historique, la Terre d’Israël, conquise, détruite, gravement dépeuplée puis colonisée par l’ennemi, il y a deux mille ans.

Or, ce vécu catastrophique n’est plus, de notre temps, l’apanage du Peuple Juif. L’homme moderne en général risque de se trouver, et souvent se trouve déjà, en position de perdre ses repères, voire de devoir se relever de situations traumatiques y compris « le grand remplacement », quand des populations venues d’ailleurs s’installent massivement chez vous sans se plier à vos coutumes ni à vos règles.
C’est précisément quand les référents du monde où vous avez grandi, manifestement s’effondrent pour laisser la place à un monde inconnu, dont le fonctionnement vous est étranger, qui vous révolte, qui vous effraie et qui vous révulse, que la ferme croyance peut vous tracer la voie.
Certes, les options de croyance ne manquent pas. Vous pouvez croire en la justice sociale, en l’écologie, en la démocratie, en la Révolution communiste, en la Messianité de Jésus. L’option de foi est le secret de la survie dans les cas extrêmes. Dans les périodes de changement, voire d’effondrement, une ferme croyance est un atout considérable et peut-être plus, une bouée, une ancre, un point d’appui, une torche au milieu des ténèbres.
Les Juifs, eux, ont chevillée au corps et à l’âme la foi en le Créateur du Ciel et de la Terre tel que le décrit la Bible des Hébreux et en sa Promesse de les ramener sur leur Terre en dépit de tous les exils.
Comme notre génération voit cette promesse réalisée sous nos yeux et le Pays d’Israël prospérer en dépit de toutes les tentatives de l’éradiquer, toujours recommencées, Les Peuples interrogent donc Israël, souvent sans aménité, voire avec hostilité et jalousie : »comment avez-vous tenu » ?, et comment faites-vous, si faibles au départ, pour être devenus si forts et contribuer autant au développement de la civilisation humaine ?
La seule réponse que nous puissions fournir est toujours la même : face à une telle adversité capable d’ébranler les croyances les plus fermes, nous choisissons de croire en l’Unique, Créateur du ciel et de la terre. Parce que notre Tradition a été trop longtemps notre seule demeure et que nous n’avions que ce choix ou celui de disparaître.
Il reste que chaque génération doit refaire ce choix car la modernité et surtout la postmodernité sème largement la confusion. Il faut souvent le recul que donnent l’âge et l’expérience pour percevoir avec acuité la permanence des errances humaines et l’actualité d’une sagesse de 4000 ans. Avoir confiance en ceux qui transmettent authentiquement la Tradition est alors une clé essentielle.
Léon Rozenbaum
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