Le prix de l’Histoire
Lors de mes premiers mois au Ministère de la Justice rue Salah-E-Din à Jérusalem, en 1976, qui étaient aussi mes premiers mois en Israël en tant que nouvel immigrant, je me suis trouvé chargé de traduire une loi allemande dans le cadre d’une recherche en droit comparé.
Bien entendu, je traduisais d’abord en Français, avant de passer, avec grande difficulté en ce temps-là, à l’Hébreu.
Me trouvant devant un problème très aigu pour savoir où trouver la réponse, dans la loi allemande à une question spécifique, l’un de mes collègues m’a alors suggéré de me faire aider par un diplomate allemand juriste, en poste en Israël. Un fonctionnaire dans un Ministère a des ressources bien au-delà de celles d’un avocat privé, statut qui est le mien depuis fin 1979.
L’on m’organisa alors une rencontre avec un jeune diplomate allemand très sympathique et par hasard francophone, qui m’invita, en vieille ville, dans un restaurant de poisson. Nous sortîmes chacun un exemplaire du Code Civil de la République Fédérale et nous mîmes d’accord assez vite sur l’article de loi qui correspondait à la question.
Il était tout de même très étonné de rencontrer un juriste frais émoulu d’une université européenne, et avec des manières très occidentales et en outre germanophone, devenu en à peine quelques mois, un fonctionnaire israélien.
Comme le courant passait bien entre nous, il s’enhardit à me poser quelques questions sur ce qui avait pu motiver mon départ de France, mon Alyah.
Je constatai alors la différence entre l’étude livresque du Sionisme, qui bien-sûr faisait partie du programme de préparation d’un diplomate allemand pour une mission en Israël, et la rencontre avec un cas concret d’un militant Juif réalisant le rêve millénaire du Retour à Sion.
Comme mon interlocuteur était Allemand, je ne manquai pas de lui signaler également que trois de mes Grands-Parents et un oncle, enfant de dix ans, avaient été déportés de France avec l’aide de la police française et assassinés à Auschwitz, par les nazis.
Ces circonstances pesaient d’un poids certain dans ma décision. J’étais, à cette époque au seuil de la trentaine, et c’est précisément en ce début de la maturité que l’on peut prendre conscience du sens que l’on veut donner à sa vie.
L’écart entre l’éducation française et européenne et leurs valeurs déclarées d’une part, et l’histoire concrète de nos propres familles juives en Europe du vingtième siècle, d’autre part, nous étaient, à mon épouse et à moi-même, de plus en plus apparu insupportable.
Mais surtout, nous voulions participer nous-mêmes à cette Réparation, ce « Tikoun » du monde que constitue la renaissance d’Israël après le scandale de la Shoah.
Le diplomate allemand qui, comme moi, se sentait en confiance, et manifestement cherchait vraiment à comprendre et sincèrement s’interrogeait sur le sens de la vie, avec mille précautions oratoires, bien conscient du caractère provocateur de ce qu’il allait dire, osa me poser la question qui le préoccupait vraiment : face à la montagne de souffrances qu’a occasionnée, de siècle en siècle, l’Histoire Juive, est-ce que cela en valait vraiment la peine ?
Plus de quarante ans ont passé depuis cette rencontre. J’ignore ce que ce diplomate est devenu et j’ai oublié son nom. Je lui avais répondu que l’on ne renonce pas à son identité même si le prix à payer est élevé. Je persiste et signe.
Aujourd’hui, j’ajouterai qu’ayant acquis la conviction, relayée par nos Sages, que l’Histoire d’Israël a un poids spécifique si considérable dans l’Histoire de l’Humanité, que l’idée même d’y renoncer serait incongrue.
De plus, j’ai le privilège d’être le contemporain d’un développement remarquable de l’Etat d’Israël et même d’y être, modestement, partie prenante. Cette transcroissance, malgré les forces immenses liguées contre nous, est le signe même, pour ceux qui veulent bien lire, d’une incroyable bénédiction.
L’Histoire d’Israël n’est pas faite que de malheurs. Elle a connu bien des embellies et des époques glorieuses. La renaissance d’Israël dans sa Patrie est plus que cela. C’est un changement de signe de l’Histoire universelle.
Léon Rozenbaum
Nous devrions remercier le ciel chaque jour d appartenir a une generation qui voit de ses yeux le miracle de notre renaissance nationale .
Nos ancetres n auraient pas osé rever ce qui s etale chaque jour devant nous .
Je suis israelien depuis 2 mois et je suis fier d etre revenu sur les terres de mes ancetres , enfin