Le Corona ou le 9 Av de l’humanité
Entre autres choses, les antisémites ont reproché souvent aux Juifs d’avoir le « sens du malheur ». Un écrivain français à succès des années 30 du vingtième siècle, Jean Giraudoux, notamment, qui s’est avéré un violent antisémite et un collaborateur des nazis sous l’occupation de la France, n’avait pas pu s’empêcher d’exprimer son mépris des fils d’Israël après avoir perçu qu’une longue habitude des catastrophes familiales et nationales, se lisait sur leurs visages, bien avant la Shoah.
Giraudoux n’avait pas tort sur ce point : une longue familiarité avec une infinité de difficultés spécifiques aux Juifs, nous a rendus prudents et circonspects, même quand tout semble aller bien. Et quand tout va mal, une angoisse venue des profondeurs nous incite à lutter pied à pied.
Et surtout, quel autre peuple a inventé une institution ressemblant au 9 Av ? Jeûner avec fidélité, deux-mille ans après, pour se remémorer une, puis d’autres, catastrophes nationales, est un comportement collectif qui peut paraître déviant par rapport aux normes en usage chez la plupart des peuples. Pourrait- on concevoir en France une journée de contrition pour se rappeler Waterloo ? Les Goyim préfèrent célébrer leurs victoires plus que leurs défaites.
Ils ne comprennent pas que l’acte du souvenir du 9 Av est avant tout l’occasion d’une élévation morale. Notre nationalisme, notre identité, s’enracinent d’abord sur une exigence de moralité. Qu’aurions- nous pu faire nous-mêmes pour éviter ces catastrophes ? Quel comportement individuel et collectif aurait pu enrayer le malheur ?
L’ampleur de la pandémie du corona virus, qui ne se dément pas cinq mois plus tard, est une catastrophe de nature à éclairer le concept du 9 Av aux nombreux peuples qui se trouvent aujourd’hui aux prises avec ce fléau. Il devient évident que seule une coopération internationale d’envergure permettra de venir à bout du virus. Les conséquences économiques et humanitaires de la pandémie contraindront également les peuples du monde à une humanité meilleure. Avec tout cela, nous sommes l’un des peuples du monde et l’exigence d’élévation qu’à l’évidence, la victoire sur le corona va imposer aux hommes, ne nous concerne pas moins.
En cette veille du 9 Av, fasse le ciel que notre mémoire nationale, enracinée dans l’espérance, rejoigne et féconde l’espérance d’une humanité en bonne santé physique et morale.
Léon Rozenbaum
Laisser un commentaire