Lettre ouverte à M. Marc Perrin de Brichambaut, juge à la Cour Pénale Internationale

M. le Juge, si je prends l’initiative de ce courrier, à la veille d’une importante décision qui doit être prise prochainement dans le cadre de votre juridiction et pour laquelle vous avez été commis, relative à la reconnaissance ou non par la Cour de sa compétence dans le cadre d’un dossier présenté par l’Autorité Palestinienne née des Accords d’Oslo, c’est en raison d’un sentiment d’urgence et de crainte que j’éprouve face aux conséquences désastreuses qui résulteraient si une telle compétence devait être retenue.

Je suis né une année avant vous, j’ai suivi mes études secondaires au Lycée Hoche à Versailles et j’ai étudié le droit à Paris. Il y a donc beaucoup de chances pour que nos chemins se soient croisés sur les bancs de la faculté de droit parisienne de la fin des années 60 du siècle précédent. Votre carrière, très brillante, témoigne d’une familiarité évidente avec les concepts de droit public et de droit international public.

Je n’ignore pas cependant que, même alors, pouvaient se côtoyer dans les murs de l’Université parisienne des étudiants d’origines, d’appartenance et d’options philosophiques très différentes. Cependant je reste persuadé que nos maîtres d’alors ont su nous insuffler un fonds commun de connaissances et de valeurs dont la rigueur et l’honnêteté intellectuelle ne constituent pas les moindres.

Pour ma part, après cinq années d’exercice du droit en région parisienne, j’ai choisi en 1976 de rallier l’Etat Juif souverain, où, après trois années passées au Ministère de la Justice, j’exerce depuis la profession d’avocat dans la Capitale d’Israël depuis le Roi David, Jérusalem.  Comme tous les juristes de formation française installés depuis en Israël, je n’ai et nous n’avons jamais renié l’importance et le poids des principes acquis en France.

C’est précisément au nom de ces principes qui nous sont communs que je souhaiterais vous inviter, dans le cadre de votre réflexion précédant votre décision, à considérer les points suivants:

-Il n’y a jamais eu, dans l’Histoire, d' »Etat de Palestine ». Par contre le petit pays de 28000 Km2, entre Jourdain et Méditerranée,  que les Hébreux puis leurs héritiers,  les Juifs, dénomment depuis environ 4000 ans la « Terre d’Israël » a abrité durant des centaines d’années une population juive, un territoire défini, et des organes de Gouvernement souverains, caractérisant un Etat, avant et après la domination grecque. Le pays a ensuite subi la domination de l’empire romain, celle de Byzance puis celle de l’empire islamique, sans toutefois jamais y constituer une unité territoriale autonome. Durant 400 ans de 1517 à 1917 la domination  turque s’y est appesantie jusqu’au mandat britannique de 1917 à 1948. 

-Toutes les sources historiques font état de la permanence du peuplement juif du pays –devenu faible au 18ème siècle, jusqu’au milieu du 19ème siècle-, et de la désolation qui y régnait au début du 19ème siècle.

-Le seul et unique document consensuel qui fonde le partage des territoires qui constituaient l’Empire Ottoman en Droit International Public est le Traité de Sanremo établi sous les auspices de la Société des Nations. Ce document qui intégrait en son sein la « Déclaration Balfour », contresigné par les grandes puissances de l’époque, reconnaissait le droit du Peuple Juif à se rétablir dans sa Patrie Historique. Il fixait son champ d’application territorial à la totalité de la Palestine (Occidentale et Orientale), y compris le territoire qui allait devenir celui de la Jordanie. Il confiait au Royaume-Uni un « mandat » pour protéger et faciliter le rétablissement à terme de la souveraineté du Peuple Juif dans son pays.

-Cependant, très rapidement, la Grande-Bretagne violait ses obligations en vertu du mandat et soustrayait la Palestine orientale, les 3/5 du territoire, à l’accès des Juifs et en 1946 constituait de toutes pièces le Royaume de Jordanie.

-L’afflux des Juifs vers leur antique patrie entraîna peu après la fin de la 1ère guerre mondiale un développement économique du pays qui déclencha une immigration illégale massive des pays arabes voisins. Cette vague d’immigration depuis 1920 constitue l’essentiel de la population Arabe palestinienne.

-Les violations du mandat par les Britanniques se sont singulièrement aggravées à partir de 1929 jusqu’à bloquer l’entrée des Juifs dans leur patrie au moment même où l’Allemagne nazie entreprenait le massacre systématique et sélectif des Juifs d’Europe, la Shoah.

-Le plan de la résolution 181 de l’ONU en 1947 ne partageait plus que la Palestine occidentale et n’avait d’autre valeur juridique que celle d’une « recommandation », fut accepté par la partie Israélienne.

-Par contre toutes les parties Arabes le refusèrent totalement  et dès la proclamation de la résurgence de la souveraineté juive en Mai 1948, les armées de Cinq Etats arabes se sont ruées sur ce qui n’était encore la veille que la communauté juive de Palestine, avec la certitude, très vraisemblable en ce temps- là, de parachever l’œuvre d’Hitler. Cette attitude rendait ipso facto la résolution obsolète.

-Dans un effort surhumain, les 600 000  nouveaux Israéliens parvinrent à contenir l’assaut mais ne purent empêcher l’occupation par l’Egypte de la bande de Gaza et celle de la Judée-Samarie, y compris la vieille ville de Jérusalem, par la Jordanie nouvellement constituée.

-Ces puissances occupantes s’emparèrent des propriétés, des sites historiques, des lieux de culte appartenant à des Juifs dans ces régions et les détruisirent purement et simplement. Sans compter les exactions et meurtres contre les personnes dans lesdits territoires. Durant 19 ans l’occupation par ces deux Etats de larges secteurs de la Palestine occidentale, et les violations du droit, ne suscitèrent aucune protestation dans le monde. Deux Etats seulement toutefois reconnurent la légalité de l’occupation jordanienne, le Royaume-Uni et le Pakistan.

-Lorsqu’en Mai-Juin 1967, une coalition d’armées arabes se proposa de façon avouée de procéder au génocide d’Israël et que, alors que le déséquilibre criant des forces en faveur de des agresseurs paraissait évident à nombre d’observateurs, les forces de défense d’Israël libérèrent la Judée-Samarie, la Bande de Gaza, le Golan et le Sinaï.

L’Etat d’Israël a fait preuve d’une grande modération et d’un esprit de sacrifice en faveur de la paix, en particulier en abandonnant à l’Egypte le territoire du Sinaï que cette dernière occupait militairement depuis 1911 tout en y reconnaissant la souveraineté ottomane, comme il résulte de la correspondance diplomatique (en Français) entre le Gouvernement égyptien et la Sublime Porte. Et ce, alors que le critère de l’effectivité, dégagé notamment dans l’Arrêt Minquiers et Écrehous  de 1953 de la Cour Internationale de Justice, opposant la France au Royaume-Uni, penchait largement en faveur d’Israël comme successeur de l’Etat ottoman sur ce territoire.

-Les Accords d’Oslo de 1993 avaient pour but de substituer le dialogue à la violence dans le conflit israélo-arabe en assurant un statut d’autonomie à la population arabe de Judée-Samarie. Ces accords ont presque immédiatement été violés par Arafat qui a déclenché toute une série d’actes de terrorisme contre la population israélienne tuant plus d’un millier de citoyens hommes, femmes et enfants innocents et en blessant des milliers d’autres.

– Bien plus, Israël ayant renoncé à toute présence physique dans la bande de Gaza, cette dernière est aussitôt devenue une base d’agression permanente contre la population civile israélienne. Le Hamas, dont la charte prévoit explicitement la disparition d’Israël et le massacre de ses habitants Juifs, y maintient la population dans une sujétion haineuse systématique ayant démantelé le système moderne d’adduction d’eau qu’Israël y avait installé pour en faire des roquettes bourrées d’explosifs envoyées régulièrement sur les civils Israéliens.

-Des manifestations obligatoires le long de la clôture qui sépare Gaza du territoire israélien sont l’occasion pour le groupe terroriste d’y implanter des charges explosant au passage des véhicules israéliens, sans compter les tentatives d’infiltrations d’hommes armés pour tuer ou procéder à des enlèvements.

Dans ce contexte, le choix de Mme Fatou BENSOUDA de prétendre publiquement que les nécessaires ripostes d’Israël aux attaques dont cet Etat souverain est victime seraient constitutives de « crimes de guerre », constitue une choquante contre-vérité et une violation grossière du statut de la CPI.

-L’Autorité palestinienne a un statut défini par un accord contresigné par les puissances qui s’en sont portées garantes et il ne s’agit en aucun cas  d’un Etat. Que de nombreux Etats et Institutions aient violé ce statut n’y change rien.

-La CPI ne peut mettre en jeu sa compétence qu’à titre subsidiaire lorsque le système judiciaire des régions concernées est défaillant. Or chacun sait que des centaines de plaideurs Palestiniens s’adressent régulièrement aux tribunaux d’Israël et en particulier devant la Cour Suprême d’Israël selon la procédure particulièrement libérale du BAGATZ (Haut Tribunal de Justice) et qu’ils y obtiennent souvent satisfaction. Prétendre que le système judiciaire israélien serait défaillant est une contre-vérité grossière.

-La CPI s’interdit de juger des faits allégués antérieurs à sa constitution.

-Israël et les USA ont résilié leur appartenance à la Cour et aucun Etat non membre ne peut être attrait devant la Cour.

-L’Autorité Palestinienne n’articule aucun fait nouveau qui justifierait la remise en cause d’une décision antérieure d’un organe de la CPI de se déclarer incompétente face à cette tentative manifeste de politisation d’une juridiction dont la crédibilité serait minée gravement si elle obtempérait.

-Dans un discours à Dakar, le Secrétaire Général de la très puissante Organisation de la Communauté Islamique qui regroupe 56 Etats, M. E. Ihsanoglu dès 2008, prévoyait de tout faire pour traduire l’Etat d’Israël d’une manière ou d’une autre devant la Cour Pénale Internationale. Il s’agit donc là de la tentative de réalisation d’un plan de longue haleine, qui n’en constitue pas moins une grossière dénaturation de la vocation de la Cour.

L’idée de la simple possibilité de voir condamner des personnalités politiques ou militaires de l’Etat juif,  alors que ces personnes n’ont fait que leur devoir en conformité au droit international public qui est d’assurer la sauvegarde des citoyens dont ils ont la charge devrait être intolérable à toute personne de bonne foi.

Il est en votre pouvoir d’enrayer cette parodie de justice, cette politisation outrancière et d’éviter l’effondrement définitif des bases morales qui servent de fondement à l’existence même de la Cour.

Je vous prie de croire, Monsieur le Juge, à l’assurance de mes sincères respects.

Léon Rozenbaum,

Avocat et Notaire à Jérusalem

3 Responses to Lettre ouverte à M. Marc Perrin de Brichambaut, juge à la Cour Pénale Internationale

  1. Annie dit :

    Bonjour Léon
    Tu as tout à fait raison mais l’atmosphère délétère et antisémite en Europe est très élevée.
    On a des traces d’accusation d’empoisonnement des puits comme autrefois.
    Portes toi bien amitiés

  2. Gilles dit :

    BRAVO +++++

  3. andre dit :

    Pourquoi ne pas designer la « Jordanie », faisant reference a sa creation par les Britanniques, par son nom veritable de « Transjordanie » ? meme dans l’esprit des Anglais, c’etait la Transjordanie, partie de la Palestine mandataire a l’est du Jourdain, qui constituait la totalite de ce qui reviendrait a la partie arabe, les Juifs devant prendre le reste du territoire (il n’etait bien sur pas question l »epoque de « palestiniens », concept et nom inventes plus tard)

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